Agroalimentaire Industrie 4.0Usine du futur : L'industrie agroalimentaire transforme aussi ses métiers

Les Echos le 21 nov. 2019

Adapter sa production aux exigences des consommateurs. C’est l’enjeu majeur de l’agroalimentaire, selon une étude menée en 2018-2019 par l’Opcalim(1) auprès de 200 entreprises françaises du secteur.

 « Et pour offrir cette production de masse personnalisée, adapter en temps réel la fabrication aux besoins du marché, augmenter la traçabilité ou produire plus rapidement de manière flexible, il faut passer d’une usine traditionnelle à une usine technologique et prédictive. Ce changement est inéluctable », explique Caroline Cohen, directrice des affaires sociales à l’Ania (Association nationale de l’industrie alimentaire).

Mais cette mue vers l’usine connectée a pris du retard dans l’agroalimentaire français, constitué à 98 % de PME et TPE, aux capacités d’investissements souvent limitées.

Elle ne serait amorcée que dans 35 % des entreprises du secteur en France, selon Caroline Cohen.

(1) Opcalim : organisme paritaire qui finance la formation professionnelle continue des salariés des entreprises de l’industrie alimentaire.

Pourvoir au déficit d'effectifs

Cette transformation numérique répond pourtant d’ores et déjà à un enjeu en matière de ressources humaines. « Elle adresse un besoin presque réglementaire de développer des outils pour réduire la pénibilité des tâches. Les cobots ou les exosquelettes font partie de la réponse », selon Françoise Gorga, directrice recherche et innovation à l’Ania, qui ajoute : « Chaque année, 15.000 emplois ne sont pas pourvus dans l’agroalimentaire. Une entreprise sur deux a du mal à recruter à cause des conditions de travail, en 3 x 8 ou avec des gestes répétitifs. »

Mode de travail plus collaboratif

Le groupe Bel, numéro trois mondial des fromages de marque avec 12.000 collaborateurs sur 30 sites de production, a lancé son projet d’automatisation en 2016 pour couvrir l’ensemble de ses usines entre trois et cinq ans. « Nous voyons dans cette digitalisation une opportunité pour revaloriser l’attrait du secteur. Aucun départ n’est anticipé mais plutôt une montée en compétences par l’accès à un système d’information numérique plus complexe, pour la maintenance par exemple », confirme Yannick Steunou, directeur excellence opérationnelle du groupe.

Il pointe aussi le digital comme levier pour rendre les collaborateurs plus autonomes et plus réactifs par une facilité d’accès à l’information donc à la prise de décision. L’organisation traditionnelle va évoluer vers un mode de travail plus collaboratif et une capacité à impliquer chacun sur des projets transverses, de l’opérateur au technicien en passant par l’agent de maîtrise, le superviseur et le manager.

Former pour faire évoluer les compétences

Cette révolution de l’environnement de travail s’accompagne donc d’une transformation des métiers et des compétences attendues. Le projet européen Fresh, qui arrive à échéance fin 2019, s’adresse aux responsables des ressources humaines de l’agroalimentaire en leur proposant une formation en ligne ouverte et en développant une norme européenne des nouvelles compétences.

« Les écoles de commerce et d’ingénieurs orientent déjà leurs cours vers la collecte et l’utilisation des données clients pour une exploitation marketing. De leur côté, la cinquantaine de CFA (2) partenaires de l’industrie alimentaire utilisera la réalité virtuelle avec reconstitution d’usine 4.0 comme mode d’apprentissage. Cette méthode est déjà en test dans les Hauts de France et en Paca depuis dix-huit mois », souligne Caroline Cohen.

L’Opcalim a aussi mis en place des Mooc ou cours ouverts en ligne pour former les responsables aux enjeux du numérique. « Mais la conduite du changement ne doit pas se limiter à de simples formations. Elle demande une forte implication du dirigeant qui doit mettre en place un véritable projet stratégique d’entreprise pour susciter l’adhésion de l’ensemble du personnel », estime Caroline Cohen.

(2) CFA : centre de formation d’apprentis